La convention de Chevilly du 4 avril 1814 (1ère partie)

Le château de Chevilly a servi de quartier général au généralissime Schwarzenberg au début avril 1814. La convention de Chevilly y a été conclue le 4 avril, il y a 200 ans.

Fin mars-début avril 1814, la vie des habitants de Paris et des villages environnants est bien bouleversée par les évènements militaires et politiques. Au terme de la « Campagne de France », les forces armées étrangères coalisées contre les armées napoléoniennes vont en effet alors entrer dans la capitale et favoriser le retour de la royauté. Chevilly va jouer sa part dans ces évènements comme lieu de négociations.
Le 30 mars au matin, Paris est attaqué par une importante armée composée de troupes autrichiennes, wurtembergeoises, prussiennes et russes sous les ordres du généralissime autrichien, le prince Charles de Schwarzenberg. Les troupes françaises des maréchaux Marmont et Bertier se défendent vaillamment, mais leur forte infériorité numérique les oblige le soir même à demander un armistice ; à l’issue de négociations laborieuses, leur capitulation est signée tard dans la nuit. Elles quittent dès le matin la capitale, dans laquelle les coalisés entrent peu après. Schwarzenberg proclame que ceux-ci ne souhaitent que la réconciliation et invitent les Parisiens à oeuvrer pour l’avènement d’une autorité favorable à la paix. L’empereur Alexandre de Russie loge chez Charles-Maurice de Talleyrand, qui est partisan de la restauration de la royauté en France, seule solution à son avis pour assurer enfin la paix en Europe, après tant d’années de guerres. L’empereur Alexandre déclare que les souverains alliés « ne traiteront plus avec Napoléon Bonaparte ni avec aucun de sa famille » et « qu’ils reconnaîtront et garantiront la Constitution que la Nation française se donnera. » Le Sénat, réuni le 1er avril sous la présidence de Talleyrand, institue un gouvernement provisoire de cinq membres (dont Talleyrand) et décrète le 2 avril que Napoléon Ier et sa famille sont déchus du trône et que le peuple français et l’armée sont déliés du serment de fidélité envers lui. Il reste à le faire abdiquer, ce qui est difficile à obtenir dans l’immédiat, car Napoléon et l’armée française sont toujours en guerre et dangereux, même avec des troupes en infériorité numérique. Les forces françaises qui avaient quitté Paris le 31 mars s’étaient dirigées vers le sud, empruntant notamment la route de Fontainebleau (actuelle D7), et l’arrière-garde avait momentanément pris position à Chevilly, avant de franchir l’Orge. Napoléon est arrivé entre-temps à Fontainebleau avec la Garde impériale, le matin du 31 mars. Il envoie alors des ordres aux maréchaux Marmont et Mortier pour qu’ils prennent position avec leurs corps d’armée respectifs, Mortier à Mennecy (Essonne) et Marmont, avec le 6e corps, en avant-garde à Essonnes (commune fusionnant avec Corbeil en 1951). Ceux-ci se retrouvent face aux forces coalisées qui se positionnent le 1er et le 2 avril le long de l’Yvette et de l’Orge. Le 2 avril, le généralissime Schwarzenberg établit son quartier général près de cette ligne, au château de Chevilly, chez le Maire, François Jacques Outrequin. Les coalisés et le gouvernement provisoire voient avec inquiétude que Napoléon pourrait bientôt lancer une offensive s’il dispose de toutes ses forces et les regroupe. La solution est d’arriver à ce qu’un maréchal favorable à la paix fasse défection avec son corps d’armée. Le maréchal Marmont, qui avait déjà été pressenti lors de la négociation de la capitulation des troupes françaises à Paris le soir du 30 mars, est l’homme de la situation. Des contacts sont noués le 3 avril ; un agent de Talleyrand, Charles de Montessuy, ancien aide de camp de Marmont, remet à celui-ci, à Essonnes, divers documents l’invitant « à se ranger sous les drapeaux de la bonne cause française », notamment une copie du décret du 2 avril et une lettre de Schwarzenberg. Ces papiers et l’éloquence de Montessuy font fléchir Marmont ; il écrit le soir même à Schwarzenberg à Chevilly, lui faisant part de son accord de quitter l’armée de Napoléon sous des conditions dont il demande la garantie. Schwarzenberg lui répond le lendemain qu’il les accepte. C’est l’objet de la « convention de Chevilly » du 4 avril : «Je garantie à toutes les troupes françaises qui, par suite du décret du 2 avril, quitteront les drapeaux de Napoléon Bonaparte, qu’elles pourront se retirer librement en Normandie. » En outre, « si, par suite de ce mouvement, les évènements de la guerre faisaient tomber entre les mains des puissances alliées la personne de Napoléon Bonaparte, sa vie et sa liberté lui seront garantis dans un espace de terrain et dans un pays circonscrit au choix des puissances alliées et du gouvernement français. » (à suivre)

Marc Ellenberger, archiviste municipal

Charles Philippe de Schwarzenberg (Karl Philipp fürst zu Schwarzenberg) - 1771-1820. (COLLECTION : CHÂTEAU DE ESKÝ KRUMLOV EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE).

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