Chevilly-Larue durant la guerre de 1914 – 1918 [1re partie]

Il y a cent ans, le début de la guerre est marqué par le départ des soldats mobilisés et par l’adaptation à de nouvelles conditions de vie, difficiles pour bien des Chevillais.

Le samedi 1er août 1914 après-midi, l’ordre de mobilisation générale pour le lendemain est annoncé à coups de tambour à la population chevillaise, qui entend aussi le tocsin retentir aux alentours. Pour beaucoup de Chevillais, l’heure de la revanche a sonné. La meurtrissure de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine est encore vive. Une éphémère société de gymnastique et de tir affiliée à l’Union des sociétés d’instruction militaire avait été créée en 1889 sous le nom de « Remember » (Souviens-toi !). La société de tir « L’espérance » est fondée à son tour en 1911. En poste depuis 1901, M. Fouillade, en bon instituteur républicain, forme ses élèves à défendre la patrie avec des chants patriotiques et des leçons d’histoire et de morale appropriées. L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août. Entre cette date et le 13 août, les hommes de 24 à 41 ans et des spécialistes jusqu’à 47 ans sont appelés sous les drapeaux ; les jeunes de 21 à 23 ans y sont déjà, la loi du 7 août 1913 ayant prolongé de 2 à 3 ans la durée du service militaire. Environ 80 Chevillais (un peu plus de la moitié des adultes) quittent alors leurs foyers pour rejoindre leur régiment et le séminaire se vide d’une grande partie de ses 230 occupants. Plus de la moitié des ménages se retrouvent ainsi sans leurs soutiens et certains avec de faibles ressources. Face à cette situation, le Conseil municipal décide le 5 août d’affecter au « secours aux familles nécessiteuses » les 900 francs initialement prévus pour des travaux de voirie et approuve l’ouverture par le bureau de bienfaisance d’un crédit de 1500 francs dans le même but ; à la même séance, il institue une garde civile dans la commune « pour protéger les récoltes et surveiller la maraude ». Le même jour, le Parlement fixe les allocations journalières versées par l’État aux familles nécessiteuses dont le soutien est sous les drapeaux ; les maires sont chargés de l’instruction des demandes. Par circulaire du 1er décembre, ils doivent aussi s’occuper des réfugiés installés dans leurs communes, qui touchent les mêmes allocations. Débordé par le surcroit de travail, M. Fouillade, qui est à la fois instituteur et secrétaire de la mairie, est aidé par son épouse, qui ne recevra une indemnité qu’après la guerre. Les étrangers de pays non alliés doivent quitter la France. C’est le cas de trois frères spiritains, tandis que d’autres d’origine alsacienne et mosellanes sont conduits à Auxerre (Yonne) pour y être momentanément « surveillés comme suspects dangereux » en tant que sujets de l’Empire allemand. Le début de la guerre est aussi marqué par la réquisition de beaucoup de chevaux chevillais, ce qui rend plus difficile encore les conditions de vie d’une partie de la population. La tâche est lourde pour les femmes et les hommes non à l’armée. Georges Pichard est le premier Chevillais « Mort pour la France » le 24 août 1914 à Celle-sur-Plaine (Vosges), mais, comme il est d’abord porté disparu, sa famille n’aura confirmation de son décès qu’en 1920. L’avance allemande vers la Marne en fin août et début septembre provoque l’exode des occupants du séminaire et du monastère Saint-Michel vers d’autres établissements de leurs congrégations ; ils ne reviendront à Chevilly qu’après l’issue victorieuse de la bataille de la Marne, qui se déroule du 5 au 12 septembre 1914 et où est tué, le 8 à Germigny-L’Évêque (Seine-et-Marne), le deuxième soldat chevillais, Auguste Gerbault. Les familles améliorent l’ordinaire des soldats en leur envoyant des colis, quitte à se priver pour cela. Le lien est gardé par des échanges réguliers de lettres ou de cartes (en franchise postale), en général sans entrer dans le détail des conditions de vie réelles, pour rassurer les destinataires. Quand elles ne reçoivent plus de courrier, les familles s’inquiètent du sort des militaires (prisonniers, blessés graves, tués ou disparus). Sans nouvelles de leur fils Henri depuis plusieurs jours, Henri Cretté et son épouse se rendent le 22 novembre 1914 à Baccarat (Meurthe-et-Moselle), où ils apprennent qu’il y est mort à l’hôpital le 14. En tant que maire, Henri Cretté doit s’acquitter durant toute la guerre de la pénible mission d’annoncer « avec tous les ménagements nécessaires en la circonstance » le décès d’un militaire à sa famille, à la réception de l’avis envoyé par l’armée. (À suivre).

Marc Ellenberger, archiviste municipal

 

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